"Ce qui est étrange avec le voyage, c'est qu'on ne comprend qu'après - et encore pas toujours - ce qu'on est allé chercher"

Emmanuel Lepage - Les îles de la désolation -

Histoires ...

Dis-moi ce que tu lis …

Un de mes camarades avait tout pour être heureux, pourtant il traînait toujours sur lui une indicible mélancolie. Parfois, il était même prêt à mettre fin à ses jours tant la vie lui semblait pesante. Désespéré, il alla voir Sophios, car il voulait au moins comprendre d’où lui venait cette terrible malédiction.

Sophios questionna longuement le jeune homme qui se prétendit malheureux. Il voulut savoir quel était le dernier livre qu’il avait lu, les musiques qu’il écoutait, le dernier spectacle auquel il avait assisté … Ce n’était que des œuvres austères et pleines d’angoisse. Il voulut savoir quels amis il fréquentait. A l’évidence, des jeunes hommes aussi tristes et désemparés que lui.
Il lui demanda encore depuis quand il n’avait pas fait quelque chose de ses mains, depuis quand il n’avait pas joué au ballon, depuis quand il ne s’était pas levé la nuit pour regarder les étoiles. Autant de questions que le jeune homme accueillit avec un sourire moqueur. Voyons ! il était trop intellectuel  pour travailler de ses mains, trop âgé pour jouer au ballon, trop sérieux  pour faire quelque chose d’aussi futile que de regarder les étoiles…
Sophios poussa un grand  soupir et murmura :
« Pour celui qui désire aller vers le soleil mais lui tourne obstinément le dos, le chemin risque d’être bien long, vraiment très très long ! »
                                                                                              Michel Piquemal « Les contes philosophiques »